Lucas Materot, maître écrivain du début du 17e siècle, nous apprend l'art de la lettre italienne bâtarde.  

 

Publié en juin 2023

 

Cachées derrière la couverture d’un registre, encrées sur le papier d’une correspondance privée, enroulées au cœur d’un parchemin… depuis le Moyen Âge, les documents d’archives encapsulent les écritures des hommes et des femmes du département des Hautes-Alpes. À partir du 16ème siècle, le développement de l’imprimerie, du commerce, de la diplomatie et de la bureaucratie vont donner un nouveau statut au livre et à l’écrit. Dès lors, des modèles de calligraphie (l'art de bien écrire) vont être diffusés et ainsi contribuer à créer des normes d’écriture.

L’usager des archives sait que les normes initiales accouchent d'exécutions protéiformes et empreintes de la personnalité du scribe ! Mais pour changer de certains traits d’écriture produits à la volée confinant à l’illisible, nous vous présentons l’un de ces modèles produit par un calligraphe exceptionnel, Lucas Materot. La calligraphie est un art qui nécessite un dur apprentissage et le respect de règles strictes. Une fois maîtrisé, le tracé des lettres devient un acte esthétique qui peut sublimer, ou au contraire, occulter un message.

 

Un virtuose de la plume

 

Maître écrivain, musicien, homme d’esprit, Lucas Materot est né vers 1560 en Bourgogne. Il s’installe ensuite à Avignon où il deviendra scribe de la chancellerie pontificale d’Avignon. En 1608, il publie son ouvrage Œuvres de Lucas Materot, Bourguignon français, citoyen d’Avignon, ou l’on comprendra facilement la manière de bien et proprement escrire facilement toute sorte de lettre italienne selon l’usage de ce siècle. Cet ouvrage gravé avec une finesse remarquable donne les premiers modèles de la lettre italienne bâtarde, dérivée de l'écriture utilisée à la chancellerie pontificale, et reconnaissable à ses caractères penchés vers la droite.

 

Portrait de Lucas Materot dans ses Œuvres (...). BnF

 

Les Archives départementales des Hautes-Alpes ont la chance de détenir un des rares exemplaires de cet ouvrage de calligraphie du 17ème siècle. D’autres exemplaires se trouvent à la Bibliothèque nationale de France, à la bibliothèque du CNAM à Paris, dans les bibliothèques municipales d'Avignon, Carcassonne, Rouen ou encore à la Cambridge School de Chicago, Illinois.

Cet ouvrage est entré dans les collections de la bibliothèque historique par donation de l’archiviste Paul Guillaume (1842-1914), qui légua sa collection privée aux Archives des Hautes-Alpes.

 

Écrire, tout un art !

 

Le livre est relié en parchemin avec filet doré. Il est composé de plusieurs parties. La page de titre est calligraphiée en lettre italienne bâtarde. À la suite se trouve une dédicace de l’auteur à la reine Marguerite de Valois, femme de lettres reconnue qui joua un rôle important dans la vie culturelle de la cour. Viennent ensuite quatre pages de poèmes de François de Rosset (1571-1619) à la gloire de Lucas Materot. Ce poète connut un grand succès en son temps.

Un texte introductif intitulé « Brief discours sur les choses plus nécessaires qu’il faut entendre et observer pour parvenir à la vraye intelligence de la lettre italienne, avec la méthosz qu’un maistre doibt tenir pour la bien enseigner à ses disciples » détaille les bonnes conditions pour la pratique de l’écriture. Un matériel de qualité (encre, écritoire, plumes ou encore papier) est essentiel :

Après il faut au papier, & le choisir bien net, bien ferme, bien pesant, & bien collé, ni trop gros, ni trop subtil, ni trop blanc, d'autant que l'extrême blancheur dénote qu'il est humide & peu collé. Entre toutes les sortes que nous en avons en ces quartiers de Provence, le surnommé vulgairement Florentin, & celui marqué de la Cloche ou du Pot, sont les plus convenables. 

calame 2 Le matériel pour écrire : plume et calame sur parchemin. © Frédéric Robert, ADHA  

À la fin de ce texte d’introduction, figure l’approbation par frère Pierre Nicolay, professeur en théologie affirmant que le contenu du livre n’est pas contraire à la « bonne foy ». Un portrait de Lucas Materot par Matthaeus Greuter (1564-1638), peintre et graveur allemand qui travailla en France et en Italie, vient clôturer cette partie introductive.

L’ouvrage présente ensuite 43 planches gravées montrant la méthode avec alphabet, lettres pleines, grandes lettres, et pour différents usages : lettre « facile à imiter pour les femmes », « courante italienne bâtarde secrétarienne à la française » etc.

 
La « grande lettre chanceleresque pleine ». Extrait des Œuvres (...) de Lucas Materot. BnF

  

LA GALERIE DE PHOTOS

 

 

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baudelaire guillemin 24© Steve Kemencei, ADHA

 

Cote : 4° 155

Auteur : Materot, Lucas

Titre : Les Œuvres de Lucas Materot,... où l'on comprendra facilement la manière de bien et proprement escrire toute sorte de lettre italienne selon l'usage de ce siècle

Publication : Avignon : imprimerie de Jean Bramereau, 1608

Description matérielle : 1 volume (54 feuillets) : portrait de l'auteur ; 4° oblong

 

Vous souhaitez approfondir votre connaissance de la lettre italienne bâtarde ? La Bibliothèque nationale de France conserve un exemplaire des Œuvres de Lucas Materot,.., consultable sur la bibliothèque numérique Gallica. Zoomez à loisir sur ces belles boucles italiennes !

 

BnF : source gallica.bnf.fr / BnF

ADHA : Archives départementales des Hautes-Alpes